L’humeur du 15 septembre: Chaud et froid

Franck Ferrand
A l’issue d’une semaine assez délectable, passée entre un tournage à Fontainebleau et un repérage à Versailles, alors que j’ai vu, hier matin, le public se presser en foule au Palais-Bourbon et à l’hôtel de Lassay, et puisque que le ministre de la Culture annonce pour le mois de décembre une grande loi sur le patrimoine, j’ai fort envie de céder – en dépit du temps pluvieux – à un soudain accès d’optimisme. Cent ans après la grande loi fondatrice de 1913, Aurélie Filippetti aurait-elle pris la mesure des enjeux ? Elle annonce en tout cas une réforme des espaces protégés, une surveillance accrue de l’intégrité des domaines nationaux, ainsi que diverses dispositions en matière d’exploitation des sites classés au patrimoine mondial de l’humanité, de contrôle de l’exportation des biens culturels ou encore d’accessibilité à certains fonds d’archives. Bravo. Concrètement, il est aussi question de relancer le musée de la Voiture de Compiègne – enfin ! –, d’améliorer l’accès au musée de Cluny – pourquoi pas ? –, de prêter une attention accrue au patrimoine du XXème siècle – soit.

Au risque de tempérer ce bel enthousiasme, disons simplement que je me sentirais encore plus serein si le budget alloué par l’Etat au Patrimoine n’était pas à ce point comprimé, si des signaux alarmants – comme la destruction de la piscine Molitor ou la démolition de l’église de Gesté, en Anjou – ne se multipliaient, si l’artisanat d’art n’était pas, dans toutes ses branches, aussi gravement menacé, et si je ne constatais moi-même, un peu partout en France, la dégradation manifeste de fleurons de l’architecture, dont on détourne pudiquement le regard… Je passe sous silence la défiguration des villages par l’implantation généralisée de lotissements hideux…

Hélas, cette somme de problèmes ne sera pas résolue parce que des files de visiteurs, une fois l’an, s’allongent devant les ambassades !

Pour ne pas finir sur cette pensée amère, j’aimerais saluer le beau travail de la Junior Entreprise de l’Ecole du Louvre en faveur d’œuvres méconnues ou menacées dans les lieux de culte. Travaillant avec l’association pour la Sauvegarde de l’art français, ces jeunes gens mènent une campagne efficace et qui devrait donner des idées à bien d’autres amoureux du patrimoine. Pour les trois cent soixante-quatre autres jours de l’année !

PS : Plus de quarante ans après, le propos de la grinçante comédie de Jean Yanne, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, me paraît, plus que jamais, d’actualité. J’en ai fait l’expérience amusante la semaine dernière : pour avoir émis un point de vue dissident sur l’école, et interprété un peu vite, sans doute, les informations disponibles sur un allègement de programme à venir, j’ai été violemment pris à parti sur la toile ; et bien que j’aie dit et redit qu’à mes yeux, les programmes étaient bien moins en cause que les préconisations pédagogiques, véritable source du désastre actuel, mes détracteurs se sont crispés sur un point spécifique du programme de Troisième. Ou la vieille question de la lune et du doigt…

5 Commmentaires

  1. P.K dit :

    Bonjour Monsieur Ferrand,
    Juste un petit commentaire sur votre post scriptum ( car pour le reste, je partage globalement vos préoccupations patrimoniales) :

    La violence est un mot qui a un sens. Vous n’avez pas été « violemment pris à parti ». Vous aviez des contradicteurs (c’est sûr que cela doit vous changer du concert de louanges reçu sur votre site). Ces contradicteurs étaient des professeurs d’histoire-géographie du secondaire plus qu’agacés de constater qu’une fois de plus, on assenait des contre-vérités au sujet des programmes scolaires. En dehors d’un mot sur la chronologie (c’est quand même discutable pour les programmes de collège), vous n’avez pas critiqué la mise en œuvre didactique et pédagogique des nouveaux programmes dans votre billet de la semaine dernière. Vous vous êtes fait l’écho en revanche des pseudo-historiens de vieille garde concernant les contenus des nouveaux programmes de collège : Quoi, on ne fait plus Louis XIV? Quoi, on ne fait plus de Gaulle? Quoi, on ne fait plus que l’histoire de l’Afrique en classe de 5ème?! Le Monomotapa késako?!
    Je vous ai personnellement transmis des liens menant vers les BO pour prouver que vos allégations (oh mais pas seulement les vôtres, vous l’aurez hélas compris) étaient fausses ; liens qui auraient permis à vos auditeurs et lecteurs de se faire leur opinion quant aux nouveaux programmes, si vous aviez eu l’honnêteté de publier mon commentaire.
    Toutefois, je constate avec satisfaction que vous reconnaissez avoir lu un peu vite les programmes. Donc vous comprenez que Louis XIV, Jeanne d’Arc, Napoléon et de Gaulle sont toujours autant enseignés aujourd’hui qu’avant, et que l’Afrique n’occupe pas une place prépondérante dans nos programmes français. Notre bonne vieille histoire scolaire est sauve dans ses contenus. L’opinion publique n’a pas lieu de s’indigner.

    Je vous remercie par avance de publier ce commentaire,

    Cordialement,

    PK.

  2. fernandez dit :

    Merci M. Franck Ferrand d’aborder ce sujet de sauvegarde du Patrimoine qui nous tient à coeur;
    le scandale actuel est de laisser démolir les églises dans certains villages! que les habitants se mobilisent et s’organisent avec des artisans bénévoles pour sauver ces modestes églises qui lorsqu’elles auront disparu laisseront un paysage vide, orphelin;
    ce qu’on laisse détruire ne reviendra JAMAIS plus ! Dites aux jeunes gens de ces villages de tout faire pour aider les volontaires, le soir,le samedi, le dimanche et pendant les vacances…ils seront fiers de leur travail, même si le résultat n’est pas celui d’un grand spécialiste…Chaque fois qu’il y a eu effort collectif pour sauver un bâtiment, le résultat a été formidable !

  3. jayet vincent dit :

    Et d ailleurs on voit naitre de plus en plus d initiatives privees, qui permettent de recolter des fonds pour remettre en etat un patrimoine familial qui se confond avec le patrimoine national comme c est le cas au chateau de Flecheres ou d Alba la Romaine

  4. Notabene dit :

    Restauratrice de sculptures, je ne peux qu’abonder dans votre sens, malheureusement. Des oeuvres confiées à des entreprise qui n’y connaissent rien ou qui cassent les prix pour avoir des appels d’offres et qui font donc un travail de gougnafiers (peu de temps pour rentrer dans leurs frais, donc travail plus que bâclé), un mépris des métiers manuels, tout ça, ma profession ne cesse de s’y confronter. Et la baisse des budgets n’améliorera rien, tout le monde ne peut pas faire appel à des mécènes, qui préfèrent, de toutes façons, des oeuvres dites « prestigieuses »…

  5. Ludovic Miserole dit :

    Vous parlez de destruction d’église, Franck. Que dire de la destruction de l’église Saint Jacques à Abbeville, survenue il y a quelques mois? On pourrait également parler de tous ces châteaux rachetés puis vidés par d’obscures sociétés immobilières étrangères.
    Il y a dans ma commune, à Angerville-Bailleul en Seine-Maritime, un château de style renaissance (une rareté dès qu’on s’éloigne de la Loire). Le mur d’enceinte s’écroule, les tourelles encadrant la grille d’entrée se sont effondrées sur elles-mêmes et j’en passe. Rien n’est fait. Il passe de main en main sans que rien ne soit fait pour tenter de le préserver. J’enrage de ne pouvoir intervenir.
    Il est grand temps que notre pays mette tout en œuvre afin de préserver ces témoignages de notre passé. On ne peut s’enorgueillir d’être la première destination touristique mondiale tout en laissant ce patrimoine qui fait se déplacer les foules s’appauvrir et disparaître peu à peu.

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