L’humeur du 3 novembre : Derniers mots

FF
Le week-end de la Toussaint est, depuis très longtemps, dédié aux défunts ; et j’ai dit à la radio, vendredi, d’où venait une telle tradition. Mais il me semble qu’à cette occasion, on ne parle jamais assez de ceux qui restent – de ceux qui pleurent des proches disparus depuis plus ou moins longtemps, des endeuillés, des révoltés, des résignés, de ceux qui peinent à faire leur deuil… Certaines souffrances – je le sais pour l’avoir vécu – ne peuvent être vraiment partagées. Mais il n’est pas interdit de partager une expérience

Si j’ai appris quelque chose, dans le deuil, c’est qu’il faut mettre en avant ce qui lie et relie, et de côté ce qui sépare et détache. C’est que le décorum dont notre société pare la mort – « le décès », comme ils disent – ne fait qu’accentuer les souffrances. C’est qu’il ne sert à rien d’imaginer ce qui aurait pu être et ne sera jamais – sinon à se rendre malade un peu plus. C’est surtout que l’acceptation, l’ouverture, la prise en compte du réel sont les seuls moyens de permettre au temps de faire son œuvre cicatricielle.

Revenons à l’histoire… On sait, depuis Philippe Ariès (1), à quel point nos ancêtres s’y entendaient à mourir – à quel point le grand passage faisait, pour eux, pleinement partie de la vie. Il y aurait sans doute quelques leçons de sagesse à glaner au chevet des grands mourants d’autrefois ; leurs dernières paroles en ce monde – on appelait cela les ultima verba – ont fait le sujet d’innombrables recueils… Souvent, ce sont les hommes de lettres qui ont eu – jusqu’au bout – le plus d’inspiration dans les déclarations in extremis : « Je m’arrêterais de mourir, soupira par exemple Voltaire, s’il me venait un bon mot ou une bonne idée. » Brillant, sans doute – mais à tout prendre moins profond que Montaigne, dont on méditera les derniers mots : « Ce n’est pas la mort que je crains, c’est de mourir ». N’en sommes-nous pas tous là, d’une manière ou d’une autre ?

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(1) Essais sur l’histoire de la mort en Occident, Le Seuil, 1975.

1 Commmentaire

  1. Paul VEGLIO et sa famille dit :

    Merci Franck pour votre billet d’humeur qui résume parfaitement ces moments douloureux car ils se réveillent à cette époque de l’année. Du reste on ne meurt pas vraiment tant que le souvenir est encore présent dans nos âmes. Merci d’avoir répondu vendredi à la question de ma fille Laurence au sujet des origines des traditions de la Toussaint. Nous avons eu la joie d’entendre votre réponse dans notre voiture entre deux visites de nos absents dans nos cimetières de nomandie. Le we du 11 novembre nous irons nous souvenir à Verdun puis à Colombey….nous vous disons à bientôt le 24 novembre à Versailles.

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