Tant pis pour le MuséoParc !

ALESIA 1Souvent j’ai préfacé des livres d’histoire. Jamais je n’en avais éprouvé autant de satisfaction. L’ouvrage collectif que publient les éditions Pygmalion , sous la direction de Danielle Porte, est de ceux qu’on a longtemps attendus, et qu’on déguste ligne à ligne, empli de gratitude envers les auteurs. Enfin, voici répertoriés tous les travers, tous les défauts, toutes les tares de l’Alésia officielle, sise en Bourgogne, en Côte-d’Or, sur la commune d’Alise-Sainte-Reine.

Depuis un siècle et demi – depuis que Napoléon III, par la grâce d’un décret impérial, a décidé que l’on situerait la victoire de Rome sur les Gaules en Bourgogne, dans le pays des anciens Eduens – de nombreux savants, dont certains de grand poids, se sont manifestés pour dénoncer au mieux une erreur, au pire une supercherie. Leurs arguments sont de trois ordres :

– d’abord, ils font remarquer que le site bourguignon du Mont Auxois ne correspond en rien – en rien ! – à la description détaillée qu’en donna Jules César, au Livre VII de sa Guerre des Gaules ;
– ensuite, ils soulignent les incohérences et les invraisemblances de ce site, trop petit, trop bas, trop ouvert, trop mal doté en eaux vives notamment ;
– enfin, ils rappellent que la conformation des lieux ne permet ni de situer, ni de comprendre les différentes étapes de l’Affrontement censé s’y être livré, en 52 avant JC.

Qu’importe aux pontes de l’archéologie nationale ; il y a longtemps qu’ils ont fait fi de toutes ces critiques.

Depuis cinquante ans – depuis qu’un certain André Berthier a découvert, en plein Jura, dans le pays des anciens Séquanes, un site qui, lui, correspond en détail, trait pour trait, à la description fournie par César – les critiques à l’encontre du site bourguignon se sont faites plus pressantes.

Qu’à cela ne tienne : le mépris et la morgue des prétendus détenteurs du savoir n’ont fait que croître en proportion.

De sorte qu’à force de négliger les textes et de les modifier, de distordre les réalités du terrain et d’interpréter abusivement les résultats de fouilles orientées, on en est venu à présenter comme une vérité établie ce qui, pour un esprit exigeant, apparaît comme impossible : la mythique Alésia se situerait en Bourgogne. Et que cesse la polémique !

Seulement voilà : hélas pour les ennemis de la logique, certains chercheurs sont têtus. C’est le cas de la petite équipe de militaires, d’ingénieurs, d’hydrauliciens, de numismates réunis par Danielle Porte, l’une des meilleures latinistes de la Sorbonne. Avec ordre et méthode, minutieusement – mais non sans humour – ces amoureux des faits posent aujourd’hui plusieurs dizaines de questions dérangeantes aux partisans du « grand site national » d’Alise-Sainte-Reine ; ils prouvent au passage qu’il convient désormais d’aller chercher ailleursles vestiges du siège et les traces de la bataille.

Tant pis pour le complexe touristique du MuséoParc Alésia, bâti depuis quelques années au mauvais endroit, à grand renfort de fonds publics ! Tant pis pour les innombrables ouvrages écrits sur de fausses bases, et pour les datations hasardeuses que cette errance aura suscitées !

L’essentiel, me semble-t-il, est que la vérité historique puisse enfin se faire jour.

PS : A ceux qui se demanderaient quelle importance peut avoir la localisation d’un événement vieux de plus de 2000 ans, je répondrai ceci : Alésia est un des épisodes fondateurs de l’histoire occidentale ; le resituer au bon endroit permettrait non seulement de mieux comprendre un événement jusqu’ici bien confus, mais de restituer leur importance à des ruines protohistoriques – celles de l’Alésia des Mandubiens – parmi les plus riches d’Europe. Actuellement, ces vestiges cyclopéens, perdus dans le Jura, sont désignés sur la Carte archéologique comme autant de « tas d’épierrement » et de « limites de parcelles agricoles » (sic) !

4 Commmentaires

  1. TORRES JOEL dit :

    Le muséoparc a le mérite d’exister, il évoque avec justesse le contexte de l’époque,
    je pense que la région et l’état ont dû investir des millions d’euros pour instruire les « masses laborieuses », il a définitivement son utilité. De plus le site bénéficie de spectacles produit par des « reconstituteurs »qui se veulent rigoureux et plein de bonne volonté; habitant dans le sud, j’en connais quelques un. Pour ma part de la Bourgogne, sur la période, je ne connais que le mont Beuvray au sud du Morvan, qui m’a vraiment enthousiasmé.Vos informations sur le sujet vont certainement provoquer une dynamique qui permettra de promouvoir un nouveau site.
    Hors sujet je vous informe que le 7 et 8 juin aura lieu, sur le site archéologique d’Obia prés de Hyères, des spectacles sur la Grèce antique.Une première en France avec la contribution de plusieurs compagnies européennes. Une occasion rêvée pour casser l »image que nous donne le cinéma hollywoodien avec des films comme 300.
    Nous serions, à cette occasion très heureux de vous accueillir…
    Torres Joël, membre de l »association « Somatophylaques »

  2. mouquand dit :

    Merci et bravo pour courage sans concession malgré les innombrables pressions que vous avez et sans doute hélas, allez subir par vos pairs…

    Que la vérité soit faite une bonne fois pour toute sur ce site dans le Jura, que ce soit Alésia ou non, il s’est manifestement passé quelque chose de gigantesque à cet endroit.

    Amitiés.

  3. Etienne Rémy dit :

    Merci Franck d’oser publiquement remettre en cause l’Histoire de France!!!
    Amitiés,
    Etienne Rémy.

  4. Chantal Deléage dit :

    C’est « sacrément » courageux de votre part Monsieur Ferrand de contredire ce que soutiennent les « pontes » au risque d’entacher votre réputation. Mais vos followers savent bien que vous vous en souciez peu. Tout cela est passionnant.

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